Historique - Les origines de l'abbaye Saint-Florentin

L’abbaye fut fondée durant l’Empire Carolingien (751-888) en l’an 857 par un chevalier nommé Foulques sous les auspices de Charles, roi de Provence, fils de l’empereur Lothaire, arrière petit-fils de Charlemagne.

On a longtemps cru que le monastère avait été fondé en 841 par Charles le Chauve, Roi des Francs (840-877) ce qui prévalu à l’abbaye un caractère royal. Il peut paraître étrange qu’un roi de Provence fonde une abbaye de cette importance, or au Moyen-Âge le fondateur d’une abbaye pouvait aussi bien être un évêque qu’un roi ou encore un grand laïc comme Foulques.
Entre le VIIIè siècle et l’An Mil, seuls les maîtres du sol fondèrent et contrôlèrent les monastères. Ils ne dépendaient pas de l’Église mais du pouvoir civil, laïque.

Ainsi fonder une abbaye c’était affirmer son pouvoir, mais c’était aussi une œuvre pieuse car tous les jours les moines récitaient des prières pour les âmes des fondateurs : ainsi, on était sûr en créant un monastère de bénéficier de cette prière perpétuelle permettant d’aller au ciel.


Topographie de l’abbaye Saint-Florentin de Bonneval. Vue tirée du monasticon Gallicanum, planche 53. Le Monasticon Gallicanum est une collection de 168 planches de vues topographiques représentant les monastères de l’ordre de Saint-Benoît lors de la congrégation de Saint-Maur

Il est probable que l’implantation de l’abbaye Saint-Florentin entraîna la fondation de notre ville. Bonneval, du latin “Bona Vallis”, signifiant bonne vallée, en était le lieu idéale, une vallée fertile répondant aux exigences du monachisme bénédictin.

Le monachisme se répandit en Occident à partir du IVè siècle. Les premiers monastères sont fondés en Gaule à l’époque de Saint-Martin, évêque de Tours (mort en 397), qui créa le monastère de Marmoutier sur les bords de la Loire. L’abbaye de Bonneval est fondée à une époque où le monachisme est en pleine expansion.

Durant tous le Moyen-Âge, on va voir des centaines de milliers de personnes adhérer à ce mode de vie dont l’occupation est la prière, la récitation ou encore les chants des textes sacrés. Primitivement dédiée à Saint-Pierre et Saint-Marcelin, martyrisés à Rome en 299, l’abbaye fut en 863 sous le patronage de Saint-Florentin et Saint-Hilaire martyrisés à Suin en Bourgogne. L’abbaye prendra définitivement le vocable de Saint-Florentin en l’honneur des miracles accomplis lors de la translation de ses reliques.

Durant l’Empire Carolingien, il existait plusieurs centaines de monastères de tailles diverses. Aux alentours de l’An Mil beaucoup ont disparu, détruits par les Normands ou les Sarasins, durant les invasions du Xè siècle.

Historique - Le destin des monastères

C’est en 911 que le monastère et la ville furent pillés et incendiés par les invasions Normandes qui dévastèrent tout le pays. La même année, Charles III dit le Simple, fils de Louis II, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, cède la Normandie à Rollon, chef des Normands. L’abbaye n’a alors plus d’abbé, moines et habitants ont fui.

Il ne subsiste qu’un théâtre de désolation. C’est à Eudes Ier, Comte de Blois (975-996), fils de Thibault le Tricheur, que l’on doit le redressement des ruines du monastère. Considéré comme le second fondateur, il fit réparer tous les édifices à ses dépends et nomma un nouvel abbé, l’abbé Vaudric (de 857 à 1789 quarante-deux abbés se succèderont à la tête de l’abbaye).


Vestiges du bras Nord du transept de l’église abbatiale. Partie subsistante d’une phase de construction du XIè siècle
Historique - Les siècles de prospérité

Présence de trois grands abbés : Robert, Bernier et Arnaud. La fin du XIè siècle correspond à une période dynamique, en mouvement. Les gens partent en pèlerinage et les dernières croisées s’achèvent. Dans la chrétienté occidentale, cette période d’expansion se traduit par la construction d’édifices monumentaux. Rappelons que l’église abbatiale, qui présentait un plan en forme de croix latine avec un déambulatoire à chapelles rayonnantes, mesurait 73 mètres de long depuis sa façade occidentale jusqu’au chevet sur 21 mètres de largeur.

Comparativement à Notre-Dame de Bonneval, édifiée vers l’extrême fin du XIIè siècle début XIIIè siècle, sa longueur n’atteint que 47 mètres à la façade et 19 mètres au chevet. La taille monumentale de l’église abbatiale n’a pas seulement répondu à une volonté de grandeur monastique, mais à une nécessité liturgique répondant au besoin d’un vaste espace pour accueillir la communauté des moines.

L’économie est en mutation à la fin du XIè siècle et des enjeux économiques et politiques pèsent sur l’abbaye. Les moines de Saint-Florentin voulurent toujours gouverner la ville et percevoir des droits de toutes sortes, mais les comtes représentant l’autorité royale n’en virent pas de la sorte et de nombreux conflits eurent lieu.

Le XIIIè siècle quant à lui est marqué par la présence de l’abbé Girard qui aurait gouverné plus de quarante ans. Les soubassement de l’actuel logis abbatial daterait du XIIIè siècle. De cette époque subsistent également (dans la partie ouest des vestiges de l’abbatiale) des arcs brisés, témoins de l’art gothique. Tout aussi caractéristiques du gothique, les travées voûtées en ogives s’élèvent dans la chapelle et la salle du chapitre.


Plan An 1. Plan des bâtiments et l’enclos de l’abbaye Saint-Florentin de Bonneval (dim. : 1,065 x 0,805 m). Antérieur à 1645, ce plan est conservé aux Archives Nationales.

Découverte lors de travaux, dans l’aile Nord du Cloître, sous un plancher, cette poutre semble provenir de l’ancienne église abbatiale. Dans certaines églises du canton de Châteaudun, notamment à Conie-Molitard, on retrouve le même type de poutre en bois sculptée avec une représentation de mammifère terrestre aux dents saillantes.

Il était alors courant de remanier les édifices religieux lors de la venue d’un nouvel abbé car l’architecture était le reflet de l’abbé. Au XIIIè siècle le monachisme se trouve confronté à une redoutable concurrence : d’autres formes de vies religieuses apparaissent. Les ordres mendiants enseignent que l’on peut faire son salut dans le monde.

Il était alors courant de remanier les édifices religieux lors de la venue d’un nouvel abbé car l’architecture était le reflet de l’abbé. Au XIIIè siècle le monachisme se trouve confronté à une redoutable concurrence : d’autres formes de vies religieuses apparaissent. Les ordres mendiants enseignent que l’on peut faire son salut dans le monde. Les frères vivent dans des couvents ouverts, ils entrent et sortent. Le monastère est au contraire un système adapté au monde rural et seigneurial. Si on veut vraiment être sûr de faire son salut, il faut entrer au monastère.

Historique - La décadence : les crises du monastère

La guerre de Cent Ans ne va pas épargner l’abbaye. Par deux fois, elle sera pillée, incendiée et ruinée. D’abord en 1370 par Knolles, Capitaine anglais, puis par Henri V d’Angleterre en 1420. C’est une période de grandes difficultés économiques et le monachisme en sort ruiné. Une fois la paix revenue de nouvelles congrégations se forment. La reconstruction ne s’effectuera qu’à la fin du XVè siècle sous l’abbé René d’Illiers qui devient évêque de Chartres en 1495. Il fit reconstruire sur les soubassements du XIIIè siècle le logis abbatial dont subsistent encore aujourd’hui les armoiries sculptées en façade.

Les Guerres de Religion vinrent s’ajouter au terrible sort de l’histoire du monastère qui en 1568 est incendié par le grand Condé à la tête des protestants. C’est la conséquence de la réforme protestante : pour les protestants, les moines sont inutiles car il n’y a pas de raison de s’isoler pour chercher Dieu.

Des centaines de monastères vont disparaître en Allemagne, Angleterre, Europe du Nord. Mais dans les pays à majorité catholique, les monastères même affaiblis subsistent.


Le logis abbatial (dessin d‘un inconnu, d‘après celui de Jacottet). Louis-Jean Jacottet est né à Bonneval en 1805 et décédé en 1880. Durant sa vie, il exécutera de nombreuses vues de son département, notamment des vues de l’ancienne Abbaye Saint-Florentin.

Un grand désordre va suivre cette période, la règle de Saint-Benoît n’est plus appliquée jusqu’à l’arrivée de Charles Le Prévôt (1644-1660) qui marque un évènement majeur dans l’histoire de l’abbaye. Un concordat entre les anciens bénédictins et la Congrégation de Saint-Maur, le 3 octobre 1645, unie et agrée l’abbaye à la congrégation. La congrégation bénédictine de Saint-Maur fut créée à Paris en 1618. Ses membres, les mauristes se consacrèrent à des travaux d’érudition. Elle disparut en 1790. De nouvelles transformations architecturales vont s’effectuer au cours de la fin du XVIIè siècle et du XVIIIè siècle. La plupart des anciens bâtiments sont démolis et remplacés entre 1698 et 1712. La façade de l’aile nord du cloître est refaite en 1783, entraînant la démolition de quatre travées de la nef de l’église.

La façade sud est terminée en 1785. À l’emplacement du cloître gothique va être réédifié (1698-1785) un nouveau cloître avec une façade monumentale élevée de 1783 à 1785. Les cloîtres à cette époque ont, bien souvent, été reconstruit dû à leur mauvais état et leur aspect fort irrégulier que les religieux mauristes n’appréciaient pas. Ces reconstructions ont permis de rendre le cloître plus carré et mieux proportionné avec des galeries se coupant à angles droits telles que nous les connaissons actuellement.

La guerre de Cent Ans ne va pas épargner l’abbaye. Par deux fois, elle sera pillée, incendiée et ruinée. D’abord en 1370 par Knolles, Capitaine anglais, puis par Henri V d’Angleterre en 1420. C’est une période de grandes difficultés économiques et le monachisme en sort ruiné. Une fois la paix revenue de nouvelles congrégations se forment. La reconstruction ne s’effectuera qu’à la fin du XVè siècle sous l’abbé René d’Illiers qui devient évêque de Chartres en 1495. Il fit reconstruire sur les soubassements du XIIIè siècle le logis abbatial dont subsistent encore aujourd’hui les armoiries sculptées en façade.

On peut encore voir dans ce cloître aujourd’hui des motifs ornementaux aux armes de la Congrégation de Saint-Maur, sculptés sur les frontons cintrés qui surmontent les portes. Les galeries sont quant à elles surélevées de 1906 à 1908 dénaturant totalement le caractère historique de ce noyau central.

Historique - Le dernier coup : la Révolution

À la Révolution le monastère ne comptait plus que huit moines, il devient alors propriété de l’État le 27 avril 1791. L’abbaye est mise en vente par l’administration du district de Châteaudun. Julien Balleux, l’ancien maître de la poste aux chevaux de Bonneval devient le premier acquéreur, puis Pierre Dutartre vient y établir une filature de coton en 1793.

Trente ans plus tard, de 1820 à 1825, il y installe une fabrique de tapis et couvertures. Le 13 mai 1827, le sieur Dutartre vend le domaine au marquis d’Aligre qui celui-ci l’échangea au département contre le domaine de Josaphat à condition d’en faire un établissement utile à l’humanité.

Enfin, en 1828 c’est le Conseil Général qui prend possession de l’ancienne abbaye. Il y établit en 1845 une colonie agricole pour enfants abandonnés avant de laisser place en 1861 à l’asile d’aliénés départemental d’Eure-et-Loir qui deviendra hôpital psychiatrique en 1938. Ainsi le Conseil Général appliqua la Loi de 1838 qui stipule dans son article 1er que : “chaque département est tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés... ”.

Il faudra attendre 1979 pour que le centre hospitalier prenne le nom du docteur Henri Ey, hommage rendu à cet illustre psychiatre qui exerça au sein de l’établissement en temps que médecin chef des femmes de 1933 à 1970, faisant de l’ancienne abbaye saint-florentin “le centre rayonnant de la psychiatrie française”.




Pierre tombale de Nicolas de Frécot, Archidiacre du Dunois. Datée du XIIIè siècle, cette pierre tumulaire est la seule qui subsiste sur les nombreuses pierres que comptait jadis l’abbaye.